Un roman ambitieux qui traverse la révolution russe, la guerre civile espagnole et la seconde guerre mondiale via les destins croisés de personnages aussi passionnés que passionnants. Malgré les 595 pages, je l’ai attaqué un dimanche matin et ne l’ai plus lâché avant la dernière page.
Les premières phrases :“Après la pluie, le tracé du paysage était plus accusé et les couleurs de la forêt plus violentes. Le va-et-vient des essuie-glaces semblait moins désespéré qu’à la sortie de Barcelone, une heure auparavant. Au loin on voyait les montagnes qui maintenant, à la nuit tombante, n’étaient plus qu’une forme obscure. »
Le Résumé de l’éditeur (Quatrième de couverture): Gonzalo Gil reçoit un message qui bouleverse son existence : sa sœur, de qui il est sans nouvelles depuis de nombreuses années, a mis fin à ses jours dans des circonstances tragiques. Et la police la soupçonne d’avoir auparavant assassiné un mafieux russe pour venger la mort de son jeune fils. Ce qui ne semble alors qu‘un sombre règlement de comptes ouvre une voie tortueuse sur les secrets de l’histoire familiale et de la figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences. Cet homme idéaliste, parti servir la révolution dans la Russie stalinienne, a connu dans l’enfer de Nazino l’incarnation du mal absolu, avec l’implacable Igor, et de l’amour fou avec l’incandescente Irina. La violence des sentiments qui se font jour dans cette maudite «île aux cannibales» marque à jamais le destin des trois protagonistes et celui de leurs descendants. Révolution communiste, guerre civile espagnole, Seconde Guerre mondiale, c’est toujours du côté de la résistance, de la probité, de l’abnégation que ce parangon de vertu, mort à la fleur de l’âge, a traversé le siècle dernier. Sur fond de pression immobilière et de mafia russe, l’enquête qui s’ouvre aujourd’hui à Barcelone rebat les cartes du passé. La chance tant attendue, pour Gonzalo, d’ébranler la statue du commandeur, de connaître l’homme pour pouvoir enfin aimer le père. Toutes les vagues de l’océan déferlent dans cette admirable fresque d’un XXe siècle dantesque porteur de toutes les utopies et de toutes les abjections humaines.
L’Auteur : Víctor del Árbol est né à Barcelone en 1968. Après des études d’histoire, il a rejoint les services de police de la communauté autonome de Catalogne. Actes Sud a publié La Tristesse du Samouraï (2012) et La Maison des chagrins (2013).
Mon avis : Un extraordinaire roman comme je n’en avais pas lu depuis bien longtemps. On y croise Laura, personnage central dont le fils a été kidnappé et noyé et qui se suicide assez vite ; son frère Gonzalo, avocat médiocre englué dans une vie morne, leur père Elias, personnage mythique ayant survécu dans les camps soviétiques puis dans les camps de réfugiés espagnols tout en ayant mis sa vie au service de ses idéaux révolutionnaires mais dont le mythe n’est finalement peut être qu’une imposture, Irina l’amour absolu d’Elias, compagne de survie dans les camps sibériens et disparue lors de leur évasion, Alcàzar flic au passé louche et dont on ne découvre les liens avec les autres qu’au fil des pages, Igor, incarnation du mal absolu et tant d’autres tous particulièrement fouillés. Derrière tous, la Matriochka, organisation mafieuse qui semble tirer les fils du destin et tisser une toile dont le dessin n’apparaîtra qu’à la toute fin du roman.
Une caractéristique essentielle de ce roman est dans le semblant d’indépendance des personnages au départ qui fait peu à peu place à notre compréhension des liens indéfectibles qui les unissent, liens d’amour mais surtout de haine. C’est aussi un roman très politique : où se situe la frontière entre idéalisme et utopie, peut on sortir indemne de l’horreur, les plus salauds sont ils toujours ceux désignés comme tels ?
Un roman dont on en ressort sonné, qui ne peut pas laisser de marbre mais qui est à découvrir absolument.
Infos pratiques : Editions Actes Sud – Février 2015 – 595 pages – 23,80 €.